lambercy


Philippe Lambercy (1919-2006)
& Elisabeth Lambercy (1923) 


Considéré comme un des pionniers de la recherche céramique en Suisse, et un plasticien de génie pour ses recherches de la céramique d’art contemporaine, secondé par son épouse Elisabeth biochimiste et enseignante pour la technique (terre et des émaux), Philippe Lambercy laisse une œuvre artistique et un enseignement pédagogique moderne qui influenceront une génération de futurs céramistes de tout horizon. 


Natif d’Yverdon, après être diplômé monteur-décorateur de l’Ecole suisse de céramique de Chavannes-Renens, Philippe Lambercy travaille pour l’industrie céramique en tant que décorateur créateur et dans de nombreuses fabriques suisses de 1938 à 1953. Il y rencontre les céramistes Mario Mascarin et Paul Bonifas et revoit Edouard Chapallaz, son camarade de l’école primaire. Vers 1942, il obtient par Antoine de Vinck une version française manuscrite du fameux ‘Livre de potier’ de Bernard Leach, qui lui révèle le grès, les hautes températures, les émaux aux cendres.

En parallèle de son métier, il se forme au tournage dans les cours du soir et suit des études de dessin et le décor de théâtre à Zurich et à Bâle. Ses activités de salariés trop spécialisées ne lui donnant pas satisfaction, il décide de devenir artiste libre.

Née à Berlin en 1923, Elisabeth poursuit des études de Sciences en Biologie et Chimie à l’université de Fribourg. Elle décide de s’orienter dans les Arts et s’inscrit à L’école des Arts Appliqués de Bâle, où elle rencontre Philippe en 1949. Ils se marient en 1953, et donneront naissance à trois filles, Catherine, Anne et Geneviève.

L'œuvre pédagogique

En 1952, Philippe trouve un poste d’enseignant de section céramique à l’Ecole des Arts Décoratifs de Genève, en remplacement du directeur Marcel Noverraz blessé à la suite d’un accident de la route. En 1956, il est nommé directeur de la section céramique de l’Ecole jusqu’en 1979. 

Le couple quitte Montagny (près Yverdon) pour s’installer provisoirement à Genève. En 1959 ils trouvent une maison à Confignon pour y construire un atelier.

Philippe et Elisabeth sont unis dans la vie et dans le travail : 
« Ma rencontre avec Philippe Lambercy m'a permis de trouver ma voie et un sens à ce que j'avais appris en lui apportant mes connaissances des sciences naturelles pour les appliquer à la céramique et à la recherche d'émaux. La céramique de grès que nous désirions pratiquer était pratiquement inconnue en Suisse à l'époque. » 

Début des années après-guerre, l’enseignement de la céramique se limitait à apprendre à produire des pièces utilitaires cuite à basse température ou à les décorer pour répondre aux besoins économiques de la tradition industrielle. Cette division du travail conduit à former des décorateurs ou des mouleurs ou des tourneurs. 
Philippe Lambercy choisit de moderniser l’enseignement en associant les parties fragmentées des spécialisations, qui ne permettent pas de créer. Son concept de formation globale de quatre ans englobait le tournage, l'émaillage de la céramique (utilitaire et artistique) et la technologie qui est enseignée par Elisabeth dès 1972. Sur les émaux, Elisabeth publie en 1993 ses recherches sous le nom ‘Les matières premières céramiques et leur transformation par le feu’, qui devient un livre de référence. 
philippe lambercy
Donnant une large part à la créativité personnelle, l’enseignement global de Philippe Lambercy est une véritable révolution conceptuelle du métier, dont la méthode avant-gardiste est encore reconnue de nos jours.   

En 1979, Setsuko Nagasawa succèdera à Philippe Lambercy. 

Parmi ses élèves formés à l’Ecole et dans l’atelier personnel des Lambercy, citons entre autres Catherine Vanier, Jacques Haeberlin, Janet StedmanClaude Albana Presset, Mireille Moser, Monika Stocker, Anne-Marie Weber, Philippe Barde, Monique Wuarin, Jacques Kaufmann, Aline Favre, François Ruegg, Gabriela Egger, Christian Destieu, Evelyne Porret, Michel Pastore, Christine Iskander, Tristan Chaillol, Mireille Dailler (Blanot), ….

Elisabeth continuera d’aider ses anciens élèves dans leurs recherches en chimie sur les émaux, comme Christine Perrochon. 

L'œuvre artistique

Dixit : « Mon vrai problème : faire un objet céramique qui porte un caractère céramique. »

L’œuvre pédagogique et l’œuvre artistique de Philippe Lambercy évoluent en parallèle. 

L’atelier personnel des Lambercy leur permet de poursuivre leurs travaux sur les émaux et la cuisson du grès à haute température. Philippe travaille à libérer la forme. 
Dans les années 70, en abandonnant le tournage des récipients utilitaires, il se concentre à créer des formes libres, se rapprochant du design plastique, sans négliger la recherche de couleur. Pour le céramiste, le dialogue entre la forme, l’espace et l’émail est essentiel. C’est la qualité expressive entre l’émail, l’espace et la forme qui est primordiale, mais non pas juste la beauté des émaux. Ses pièces architecturales se construisent d’objets en grès montés par plaques.

Dixit : « Ce qui m’intéresse c’est la façon dont les formes s’agencent, s’emboitent, se combinent. Leur complexité me permet de jouer avec les couleurs. »

Dès 1965, Philippe réalise des compositions murales et des bas-reliefs pour les bâtiments publiques et privés, comme des écoles ou clinique à Genève, le mur de l’observatoire de Versoix ou l’ambassade suisse à Ryad (Arabie Saoudite). 
Ecrivant de nombreux texte sur la céramique et son travail, Philippe Lambercy a aussi entretenu une longue correspondance avec ses amis et confrères Daniel de Montmollin et René Ben Lisa et René Funk, sculpteur et photographe. Ces lettres sont un moyen de partager les connaissances et d’échanger sur la conception du métier, le sens et les valeurs du potier, le rôle de l’artiste et du poète dans la cité, ou encore le renouveau des arts du feu dans la société industrialisée.
 
Mais ses écrits démontrent surtout sa passion réelle pour la terre et le langage poétique des émaux. 

Philippe Lambercy était membre fondateur de la Communauté de Travail des Céramistes Suisse (CTCS, aujourd’hui Association Céramique Suisse) et du centre genevois des artisans.
Philippe Lambercy
Ses œuvres ont été présentés dans de nombreuses expositions individuelles et collectives en Suisse, Europe, au Japon et en Chine. L’artiste est récompensé de prix et distinction, dont en 1979 le prix Quadriennal des Arts Plastiques de la ville de Genève.
En 2005, musée Ariana de Genève a organisé une exposition rétrospective lui rendant hommage. 

Le film de Guy Millard réalisé en 1993, ‘L’œuvre au feu’ témoigne de cet amour exigent et engagé du céramiste pour la matière. 

Aujourd’hui, l’atelier de Philippe Lambercy à Confignon est un lieu de rencontres et d’expositions, qui permet aussi de présenter les œuvres du céramiste. 

Texte © Christine Lavenu (plublié le 27/11/2020, maj 03/01/2024)

Sources, pour voir et en savoir plus : 
La revue de la céramique et du verre, n°140, janvier février 2005.
La revue de la céramique et du verre, n°128, janvier février 2003.
La revue de la céramique et du verre, n°107, juillet aout 1999.
La revue de la céramique et du verre, n°99, mars avril 1998.
La revue de la céramique et du verre, n°93, mars avril 1997.
La revue de la céramique et du verre, n°92, janvier février 1997.
La revue de la céramique et du verre, n°89, juillet aout 1996.
La revue de la céramique et du verre, n°88, mai juin 1996.
La revue de la céramique et du verre, n°46, mai juin 1989.
La revue de la céramique et du verre, n°18, septembre octobre 1984.
La revue de la céramique et du verre, n°14, janvier février 1984.
Lettres d’un céramiste, Philippe Lambercy, édition Revue de la Céramique et du Verre, aout 2013
La céramique, art du XXe siècle, Tamara Préaud, Serge Gauthier, Editions Vilo Paris,1982  
Lettres d’un céramiste, Philippe Lambercy, édition Revue de la Céramique et du Verre, aout 2013
Lettres d’un céramiste, René Ben Lisa, édition Revue de la Céramique et du Verre, septembre 2011
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