bonifas


Paul Ami Bonifas (1893-1967)
Alice Sordet Bonifas dite Lifas (1902-1975) 


Couple de  céramistes suisses

Pionnier de la céramique moderne, l’œuvre ‘puriste’ de Paul Ami Bonifas témoigne de l’importance du mouvement d'avant-garde des années 20.  

Né à Genève (Suisse) en 1893, Paul Ami Bonifas apprend le métier de graveur-bijoutier avec son père tout en suivant une formation artistique à l’Ecole de Beaux Arts de Genève (de 1910 à 1913). Etudiant aussi la chimie et la minéralogie, il complète son enseignement à l’école suisse de la céramique à Chavannes-près-Renens et se passionne pour les émaux. 

Agé de seulement 21 ans en 1915, il crée son premier atelier de céramique à Versoix (Suisse). Il est assisté par Alice Sordet qu’il épouse en 1917. Durant la guerre, il tourne surtout le grès et fabrique des objets usuels et bibelots variés en faïence sous la marque 'Floréor'

L’incendie de l’atelier en décembre 1919 le conduit à Paris, où il est employé durant 8 mois chez Achille Boch & Cie, une fabrique industrielle de porcelaine de reproduction de l’ancien. Mais la conception du travail ne le satisfait pas. 
Dans la capitale française, il côtoie les jeunes artistes comme Jean Cocteau
De 1921 à 1922, il est secrétaire de la revue ‘L’esprit nouveau’, fondée par l’architecte Le Corbusier et le peintre Amédée Ozenfant
De ses rencontres déterminantes et de son expérience du monde industriel, il retient l’importance du rôle de l’artiste dans la société contemporaine et mécanisée et une vision artistique moderniste qui lui permettra de s’affranchir du décor trop chargé d’ornementation. 

Paul Bonifas partagera les deux courants principaux de son métier : l’objet unique avec son coté luxueux et l’objet créé en vue d’une série (petite série mécanisée).

En 1922, Paul Bonifas reprend l’atelier de poterie des frères suisses Berguer à Fernay-Voltaire tout près de la frontière genevoise. Son objectif est de transformer l’activité artisanale en atelier moderne et mécanisé pour y réaliser une production de luxe Art Déco et Design, défendant le concept du « luxe abordable ». 

En parallèle de ses recherches personnelles, il poursuit une production traditionnelle. A partir de 1931, les terres vernissées tournées d’inspiration dite savoyarde laissent place à des pièces de formes pures et sculpturales. 
‘A la croisée des inspirations de la Grèce Antique et de la Chine Millénaire’, la diversité de l’œuvre des Bonifas témoigne aussi des influences de l’époque, notamment du Japon et de ses grès, qui sont mis à l’honneur dans les expositions universelles depuis la fin du 19e siècle.

En complément des céramiques industrielles comme des tuiles faitières et carrelages, il invente des pièces stylisées sobres généralement géométriques et revêtues d’une glaçure craquelée monochrome ou d’émaux lustrés noirs. En 1927,  ses céramiques noires présentées au Salon d’Automne font un grand effet. 

Le succès est au rendez-vous !

La production est réalisée en série par procédé mécanique de façonnage (moulage et calibrage).
Vase Paul Bonifas
En 1927, dans son petit livre sur les terres lustrées que Paul intitule « BOAS », il met en évidence que la création industrielle (car crée mécaniquement) est aussi capable de qualité artistique. 

Dès cette année, Paul écrit des articles sur l’artisanat et l’industrie ou encore la philosophie de l’art notamment dans ‘L’Œuvre’ et ‘Vie-Art-Cité’. 

Primé en 1926 à Genève, il est présent en 1937 à l’Exposition internationale des arts et techniques. Il est aussi membre de l’Association Suisse Romande de l’Art et de l’Industrie et jury du Salon des Arts Décoratifs (1925).

L’atelier des Bonifas accueille de futurs céramistes comme Louis Delachenal en 1927. 
Malgré le succès, la petite structure ne permet pas de concurrencer les grandes fabrications commerciales. A ce stade, la production sera plutôt réservée au marché suisse. En 1934, c’est la liquidation judiciaire, mais rien ne décourage le céramiste : Paul  relance l’activité en 1936. 

Alice assiste son mari dans leurs différents ateliers. Après leur divorce en 1943, elle conserve l'atelier de Fernay Voltaire et signera sa production sous le nom de Lifas. 

Quant à Paul, il émigre  en 1946 à Seattle (Etats-Unis) pour enseigner la céramique d’art à l’université de Washington puis à Seattle. Philippe Lambercy, qui connaissait Paul depuis 1937, a failli le rejoindre pour enseigner outre atlantique, mais l’attribution d’un poste d’enseignant à Genève met fin au projet. Paul  enseigne aux USA jusqu’en 1959, et retourne à sa passion en pratiquant la céramique de sculpteur. 

L’atelier Bonifas ferme ses portes en 1975. 
Tout au long de sa carrière Paul Ami Bonifas expose ses œuvres dans les manifestations européennes et internationales. 
Ses pièces sont présentes dans les collections de musées : États-Unis : Seattle Art museum ; Suisse : Musée Ariana de Genève, Musée des beaux-arts de Zurich, Bâle, La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel, Lausanne ; Portugal : Museu Nacional do Azulejo de Lisbonne ; France : Musée Galliera, Musée des Arts décoratifs, Musée d’art moderne de Paris, Ville de Ferney-Voltaire, Conservation départementale-direction des musées à Bourg-en-Bresse.

Il a travaillé pour le Printemps et Primavera mais cette collaboration n'a pas duré longtemps.

En 2019, la galerie Lionel Latham à Genève organise une grande exposition sur Paul Ami Bonifas.
Texte © Christine Lavenu (publié le 16/06/2019 - maj 11/03/2022)
Sources et bibliographie : 
La céramique Art Déco - Elgar Pelichet - Edition du Grand Pont - 1988
La revue de la céramique et du verre, n°18 septembre octobre 1984
La revue de la céramique et du verre, n°44 janvier février 1989
La revue de la céramique et du verre, n°46 mai juin 1989
La revue de la céramique et du verre, n°132, septembre octobre 2003.
La revue de la céramique et du verre, n°140, janvier février 2005
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