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La poterie de Cliousclat (1902-)
La poterie de Cliousclat, bâtie en 1902 est l’une des dernières à perpétuer le savoir-faire traditionnel de la terre vernissée.
De jeunes talents comme Marie Delafosse, Zoé Lecamus, Marie Beaulaton, Emily McGuiness, Boris
et le tourneur Béranger Dutertre contribuent avec audace au renouveau de l'utilitaire et de l'art populaire, en y apportant leur touche personnelle de modernité, de poésie et d'humour.
Cliousclat
est l’un trois des villages de potiers de la Drôme avec Dieulefit
(avec Poët-Laval) et Saint-Uze.
Niché dans les collines drômoises, situé à mi-chemin entre Montélimar et le sud de Valence et tout proche de sud Loriol (10 km), ce village perché est connu pour sa belle poterie utilitaire en terre vernissée.
Ce lieu est un véritable témoin de l'histoire locale, où les potiers paysans travaillaient aussi l’argile extraite dans les clarières des alentours, délavaient la terre pour la tourner durant l’hiver.
La poterie utilitaire ancrée dans l’histoire de Cliousclat
Si les traces écrites de l’histoire de Cliousclat (ancienne propriété de la famille Adhémar
au Moyen-Age) remontent au Xe siècle, la présence de gisements d’argile laisse supposer que de tout temps les hommes exploitaient cette ressource pour leur propre besoin (conservation de vin, d’huile, des grains, de châtaignes, …). Par sa situation géographique sur proche l’axe de communication Nord Sud, existant déjà depuis la conquête romaine, les villageois pouvaient commercer.
A l’origine, faire de la poterie était une tradition familiale artisanale, une activité secondaire qui répondait à un besoin d’ustensile du quotidien tout en apportant un petit complément de revenu.
Au XIXe siècle, divers fours (fours à chaux, fours à tuiles, fours de poterie, ..) sont présents dans le village. Qu’il soit paysan, domestique, bouscatier, boulanger, cabaretier… chacun possédait un tour installé dans la cave et tournait une poterie engobée non vernis. Celle-ci était vendue à un des propriétaires de four du village. Ce dernier, qui pouvait aussi être potier, avait en charge la cuisson et la commercialisation. Tout le monde savait tourner, y compris les enfants. Plus tard, les poteries étaient acheminées en charrettes à la gare de Loriol (gare ferroviaire mise en service en 1854 par la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Méditerranée) à destination de Valence, Avignon et Montpellier.
Il était facile de se procurer la matière première dans les carrières d’argile de Cliousclat (le Maupas, Peyraud, Chabrières, …).
Nombreux paysans utilisaient la terre de leur jardin et la délavaient eux-mêmes. Cette activité était aussi un métier à part entière. Les délaveurs
extractaient la terre de mars à septembre, la délavaient dans un bassin rond (bourlo) pour en retirer les feuilles, les pierres et autres.
Après évaporation de l’eau dans la fosse, les blocs d’argiles découpés étaient stockés dans des caves, qui gardaient l’humidité de la terre.
La terre était malaxée avant l’utilisation pour le tournage.
Vidéo du site internet la Fabrique de Cliousclat
La création en 1902 de la poterie de Cliousclat permit pour la première fois de rassembler sous un même toit tous les potiers du villages et les autres professions jusqu’alors séparées.
1902 : Naissance de la fabrique de la poterie de Cliousclat
En 1902, Marius Anjaleras (1852-1928)
fonde sur un terrain de près de 1000 m2 la poterie de Cliousclat, avec un four à bois de 20m3, des tours et une aire de séchage dans le jardin autour d’une culture de pomme de terre.
Les ouvriers solitaires dans leur cave, sont embauchés à la fabrique, nouveau centre de travail du village.
En 1909, Marius achète ‘le petit Maupas’, terrain équipé de bassins de délavage et de détrempage de la terre, et en 1920 ‘le Maupas’, une carrière d’argile.
D’excellente qualité, cette terre, qui ne donne pas de goût aux aliments, est idéale pour le conditionnement des aliments. Mais comme elle est poreuse, il est nécessaire de la vernir pour assurer l’étanchéité des pièces culinaires et apporter la brillance esthétique.
Les oxydes de cuivre, de manganèse et de cobalt, qui donneront la couleur aux pièces proviennent de Marseille. Venant d’Espagne ou du Maroc, le vernis arrive en gare de Loriol dans des tonneaux de 200 kg. En 1920, il est broyé à Poët-Laval, à partir de 1940, c’est un moulin de Cliousclat qui broye l’alquifoux (vernis au sulfure de plomb).
Modernisation et tradition avec les fils Anjaleras
En 1919, Marius Anjaleras, âgé de 67 ans, laisse la fabrique à ses deux fils Antonin et Numa Anjaleras. Ensemble, ils modernisent le métier avec un four à charbon et une presse à pots de fleurs à terre bleue (gisement provenant de Mirmande). Les résultats n’étant pas au rendez-vous, ses procédés mécaniques sont arrêtés. L’utilisation des moules de plâtres pour les assiettes et les vases ne dure que peu de temps. A la poterie, la tradition manuelle prévaut sur la modernité, ce qui est source de conflit entre les deux frères gérant la fabrique : en Numa part pour Marseille. Antonin reprend seul la tête de la poterie, où travaillent plusieurs tourneurs et d’ouvriers (qui délavent la terre, font l’engobe, vernissent, enfournent, cuisent et assurent d’autres travaux).
A cette époque, c’est l’unique four qui fonctionne dans le village. Dans les années 30, il faut 2 jours pour remplir le four, 5 fournées sont faites par mois nécessitant chacune plus de 500 fagots de bois.
Rien ne se perd : la cendre du four est vendue aux agriculteurs qui s’en servent d’engrais, et aux femmes pour la lessive (uniquement la cendre de bois de chêne).
Si les seules femmes qui travaillaient à la poterie, étaient l’épouse et les filles Anjaleras, Anne Dangar
y est venue pour faire des décors : « Elle traçait les lettres en chinois. Pierre Boissy
et Marcel Jouve
lui tournaient ses pièces. »
La poterie utilitaire était destinée à recevoir des liquides (lait, vin, huile …), à conserver des aliments (graines, confitures, salaisons …) ou fabriquer des fromages (faisselles), des fruits confits... . Aux pots, assiettes, jarres, rossignols (sifflet rempli d’eau qui évoque le chant de l’oiseau), des vases de jardins de toutes tailles apparaissent pour tenter de concurrencer la montée des matières plastiques artificielles.
1964-2012 : Le renouveau de la terre vernissée avec Philippe Sourdive
En 1964, Antonin Anjaleras
vend la fabrique à Philippe Sourdive
(1912-1978), qui fréquentait depuis 1939 le lieu. Fort de l’enseignement céramique auprès d’Emilie Decanis, Philippe souhaite perpétuer la tradition tout en modernisant la production avec de nouvelles formes.
Diminuant le noir et abandonnant le bleu, il privilégie les couleurs le vert jaune, du rouge et du jaune miel.
Le décor se réinvite autour du poisson, du soleil, des « femmes avec chien et oiseau », des bouquets de fleur.
Les tourneurs sont Charles Chanteperdrix, Pierre Béziat, Christian Point, et Pierre Loche.
En 1965, une exposition des pièces décorés de Cliousclat est organisé au musée Cantini (Marseille).
En 1978, au décès de Philippe Sourdive, ses fils Olivier et Nicolas
reprennent la gestion de fabrique jusqu’à sa fermeture en 2012.
Parmi les potiers céramistes qui sont passés se former ou travailler à la fabrique, citons Jean-Claude Bouix
(1965-1967), Jean-Christophe Hermann
(1968 -1971), Richard Esteban
(1975-1979), ou encore Marc Roussel,
(beau-père de François Lembo).
2014 : La volonté commune de relancer la poterie de terre vernissée
Classé à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques au titre d’un patrimoine industriel abritant des savoir-faire et des méthodes de travail spécifiques, la mairie de Cliousclat
achète le bâtiment en 2014 pour réhabiliter le site de fabrication locale et relancer l’activité potière de terre vernissée.
Aujourd’hui, en activité, la visite permet de redécouvrir le savoir-faire ancestral des potiers et céramistes qui y travaillent.
Voir plus de pièces
Découvrez la Fabrique de la poterie de Cliousclat
en consultant son site internet , et l'ouvrage Les Poteries et Potiers Cliousclat, Drôme (1983), disponible sur le site de la poterie.
Je remercie Marie Delafosse pour les informations sur la poterie.
Texte © Christine Lavenu (publié 16/11/2025)
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Sources, pour voir et en savoir plus :
Entretien avec Marie Delafosse, Atelier Cliousclat, 15 novembre 2025
Revue de la céramique et du verre, n°200, n°198




