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Yves Suzanne (1953-)


Céramiste installé dans Indre et Loire, actif de 1975 à 1989.


Né en 1953 à Ligueil (Indre-et-Loire), licencié en économie, Yves Suzanne s’intéresse à la céramique dès 1972 et décide en 1975 de prendre une nouvelle voie, celle de la Terre jusqu’en 1989. 

En 1984, il explique à La Revue de la Céramique et du Verre le choix pour ce médium, et plus particulièrement la faïence stannifère (pâte colorée revêtue d’une glaçure opacifiée à l’oxyde d’étain) : 
‘J’ai choisi la terre pour sa sensualité extrême, pour sa variété, pour la difficulté titillante de l’émaillage. … En fait parce qu’elle représente un monde philosophique inépuisable, le problème étant de tisser les liens le plus étroit possible entre la volonté de l’esprit et les possibilités de la matière. Cette espèce de complicité s’arrête à l’instant où s’ouvre mon four, car, à ce moment, l’objet me devient extérieur, il prend sa vie propre, il cristallise un moment du passé.’  

Entièrement autodidacte, il s’installe en Indre et Loire pour travailler exclusivement la faïence qu’il tourne et modèle. Il fabrique ses propres émaux (stannifère, calcique) et des cendres. 

L’anecdote suivante démontre la liberté et l’indépendance de Yves Suzanne, qui a choisi de vivre les mains dans la Terre. Elle vise aussi à dénoncer la difficulté en France d’exercer le métier de céramiste en tant qu’artiste. C’est une histoire culturelle à notre pays, figée comme sclérosée dans la définition de statut juridique entre l’artiste et l’artisan. 

Yves Suzanne entamera des longues démarches juridiques (succession de procès) pour faire reconnaitre son statut d’artiste contre le régime de la caisse primaire de sécurité sociale des artistes, qui en 1979 lui refuse l’affiliation. Son frère Michel Suzanne, avocat à la Cou r, plaidera sa cause.

En 1981, le principe selon lequel ‘l’exemplaire unique d’ouvrage en céramique fait à la main est considéré comme œuvre d’art originale’ est remis en cause par la Caisse Primaire d’assurance Maladie considérant que l’activité relève du domaine de l’artisanat. En 1982, le nouveau procès annule l’arrêté de la Cours de Cassation, ce qui permet à Yves Suzanne de bénéficier du régime général de la Sécurité Sociale (celui des artsites). Mais, l’histoire ne s’arrête pas là : en 1983, l’administration redemande l’annulation du statut d’artiste, ce qui sera par la suite refusée par la Cour d’Appel de Bourges. 
Il aura fallu 5 années de ténacité, de patience et de persévérance pour que Yves Suzanne fasse reconnaitre son travail de céramiste artiste et bénéficier du régime social des artistes (qui est plus avantageux fiscalement (faible cotisation) que celui des artisans). 
yves suzanne ceramique sevres
Jean Jacquinot, qui avait aussi refusé de ‘travestir’ son travail (en faisant par exemple de la sculpture céramique), a dû aussi lutter juridiquement pour obtenir l’accès au régime social des artistes. André Pelt lui a aussi dénoncer ‘la misère discrète des Artistes-Potiers en France’ par une lettre adressée au Ministre de la Culture Jack Lang. 

Président de la Chambre Syndicale des Céramistes et des Ateliers d’Art de 1971 à 1991, Jacques Blin a lutté pour défendre et améliorer le statut des métiers d’art. Dans la continuité, le combat se poursuit mené par la Fondation des Ateliers d’Art.

Maudit soit le sort administratif de celui qui fait des pots en terre et qui n’en fait pas fortune auprès de la Maison des Artistes, car il devra justifier professionnellement de sa qualité d’artiste. Cela explique peut-être que la période céramique de Yves Suzanne soit limitée de 1975 à 1989.

Période durant laquelle, les trois coupes de Yves présentées à l’exposition à Faenza (Italie) en 1984 ont été primés. Parmi les diverses expositions, citons ‘Présence de Forme’ en 1984 à Les Angles (30400) avec Christine Fabre, Charles Hair, Jean-Pierre Michel, François Lanusé
A Saint Amand-en- Puisaye, plusieurs années consécutives, le céramiste engagé a organisé des cuissons communes au bois dans un four couché de 75 ml du XVIIIe siècle. 

Son œuvre est référencée et présente dans la collection du musée nationale de céramique de Sèvres.

Texte  © Christine Lavenu (publié le 29/10/2021)
Sources et bibliographies :
 La revue de la céramique et du verre, n°017, n°018, n°019, n°030, n°035 
La céramique française contemporaines, Sources et courants, Musée des Arts Décoratifs, Paris, 1982
Cinquante ans de céramique française (1955-2005), Antoinette Faÿ-Hallé, Une collection nationale, Paris, RMN, 2005
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