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Paul Beyer (1873 - 1945) 


Céramiste, maitre verrier, dinandier français.

L’historien d’art et ancien conservateur du Musée des Arts Décoratifs de Paris, Michel Faré considérait Paul Beyer comme l’un des artistes les plus éminents de l’entre-deux guerre. 

Nouveau maitre du grès contemporain à la Borne, son travail influencera toute une génération de jeunes dans la voie de la céramique artistique et sculpturale.

Né en 1873, issus d’une famille de maitres verriers originaire de Strasbourg, Henri Paul Auguste Beyer poursuit la tradition familiale après des études à l'école des Beaux-Arts de Besançon. 
En 1904 la séparation de l’Eglise et l’Etat entraine la diminution des commandes de vitraux d’art, ce qui conduit le jeune Paul Beyer à diversifier son activité de verrier et à se tourner vers la poterie. En 1906, il quitte l’entreprise familiale pour s’installer à Lyon. Après un séjour chez le fabricant d’émaux l’Hospied à Vallauris, il part à Besançon puis en Suisse pendant quatre ans, pour enfin s’installer à Lyon en 1914. 
Enrôlé dans la grande guerre, blessé en 1917, Paul reprend son activité à Lyon seulement en 1919. Il ouvre un atelier sur les rives de la Saône pour y créer des pièces en terre vernissée, en grès au sel et en verre. Il élabore quelques dinanderies émaillées avec des décors géométriques, des luminaires en verrerie pour la galerie André Sornay. 

Dès 1920, il se lance dans la sculpture animalière en terre, déjà en vogue avec le sculpteur François Pompon

Il expose à divers Salons comme celui d’Automne, et celui des Artistes Décorateurs en proposant conjointement ses travaux en verre, en céramique et en émaux sur cuivre. 
Paul Beyer
Vers 1930, son succès lui permet de bénéficier du stage « aux artistes du dehors » organisé par Louis Delachenal à la manufacture de Sèvres. En 1932, cette dernière met à disposition de Paul l’atelier, le Vieux Moulin. C’est une opportunité artistique et une sécurité financière qui permettent à Paul durant dix années de produire des pièces pour Sèvres tout en continuant ses propres recherches.
En parallèle d’objets zoomorphes, il se consacre à l’art sacré en créant des sculptures religieuses, des saints à l’attitude humble et hiératique rappelant le style roman et gothique.

Grès au sel ou émaillées à la cendre, ses pièces sont tournées, parfois modelés et assemblés pour les grandes pièces. 
En 1934, son travail est récompensé de la médaille d’or au Salon d’Automne.

En 1942, Georges-Henri Rivière, alors responsable du musée national des Arts et Traditions Populaires, encourage Paul à s’installer à La Borne pour faire renaitre et dynamiser ce village de potiers.
Paul Beyer
Dans cette région du Cher, proche de la zone franche, loin des problèmes d’approvisionnements et des bombardements sur Paris, la terre et les forêts sont abondantes. La guerre a laissé de nombreux ateliers de poterie vacants. Agé de 69 ans, Paul qui se veut potier avant tout, accepte la mission. Il restera à la Borne jusqu’à son décès en 1945. 
Dans ce lieu de vie austère, Paul innove en créant un four à bois à flammes renversées d’après les plans d’un four mis au point par L.Delachenal (four de Sèvres). C’est une première à La Borne et cet appareil de petite capacité, permettant ainsi des recherches individuelles, se répand rapidement chez les portiers. Il sera même implanté à l’école des Beaux-Arts de Bourges par le couple Lerat pour leur enseignement de la céramique. 

Son atelier est proche de celui de Armand Bedu et de Jacqueline et Jean Lerat. En raison de l’âge et la santé précaire de Paul, ses voisins (Armand, Jacqueline et Jean)  l’aident dans les taches physiques quotidiennes du métier (tailler le bois, puiser l’eau ou encore préparer la terre et la tourner). 
Paul Beyer
Les motifs végétaux de style de l’Art Déco et ses grès aux coulures d’émaux évoquant ceux de l’école Carriès qui marquaient le début de son œuvre de Paul, se sont estompés au fil du temps au profit des thèmes de l’art populaire et l’art sacré. Il trouve l’inspiration dans la nature des campagnes. L’image animalière de volailles, d’écureuils, d’hérissons, de crapaud, … s’invitent avec fantaisie sur les bonbonnes, les cruches, les pichets et les épis de faitage. 

Dès 1942, ce style se retrouve aussi dans la production de Jean Lerat et André Rozay.  

Partisan du respect des traditions, Paul préfère fabriquer des objets usuels plutôt que purement décoratifs. Il dit : « Créer des formes belles, mais usuelles est mon rêve. Tout ce qui est utile est beau. Le verre ou vous buvez, l’assiette ou vous mangez, le globe qui vous éclaire, doivent conserver sous la main de l’artiste qui l’embellit l’aspect utile à leur destination. »  

Si ce choix de l’artisanat est encouragé par la politique pétainiste de l’époque, il répond probablement pour Paul à la nécessité de retrouver la dignité du geste des premiers hommes, comme un remède contre l’inhumanité et les atrocités laissées par les deux dernières guerres. 

En contribuant au renouvellement l’art du grès à la Borne, Paul Beyer a ouvert une voie à la céramique contemporaine. Son œuvre a exercé une influence considérablement sur les jeunes céramistes contemporains comme Pierre Mestre, qui après avoir vu l’exposition rétrospective de potier en 1947, au musée des Arts Décoratifs de Paris, décida de tenter l’expérience du grès plutôt que la peinture.

Texte © Christine Lavenu  (21/06/2021, maj 09/08/2022)
Sources : 
Les pionniers de la céramique moderne – La Borne – Editions ville de Bourges – Musées – 2018
Paul Beyer – Marc Ducret - Edition Beau Fixe - 2006
La céramique Art Déco - Elgar Pelichet - Edition du Grand Pont - 1988
La céramique, art du XXe siècle, Tamara Préaud, Serge Gauthier, Editions Vilo Paris,1982  
La céramique française contemporaines, Sources et courants, Musée des Arts Décoratifs, Paris, 1982
La céramique contemporaine par Michel Faré - Compagnie des arts photomécaniques, Strasbourg, Paris 1953 
La revue de la céramique et du verre, n°135 – 125 – 120 – 118 – 59 -39
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