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Jean Austruy (1910-2012)
Céramiste à Saint Marcellin (Isère)
Né à Castres (Tarn) en 1910, Jean Austruy
étudie le dessin l’école des Beaux-Arts de Montpellier, puis la sculpture à Paris, simultanément à l’école nationale supérieure des Arts Décoratifs et à l’école des Beaux-Arts.
Il y rencontre sa future femme Jacqueline, élève aux Beaux-Arts, qu’il épousera en 1946 et avec qui il aura quatre enfants.
Le couple s’installe dans la basse vallée de l’Isère, à Saint Marcellin.
Jusqu’en 1945, Jean enseigne le dessin et le modelage à Grenoble ( école des Beaux-Arts et école des Arts Industriels).
En parallèle, il s’initie en autodidacte à la poterie, utilisant la terre du terroir. Après la seconde guerre mondiale, la demande en utilitaires céramique (arts de la table, luminaires, …) est importante, ce qui il le décide quitter le professorat pour se consacrer entièrement à cette activité artisanale.
Jean produit d’abord dans son garage avec un four à bois qu’il a construit lui-même. En 1947, il fait bâtir un grand atelier avec un four électrique et reçoit quelques employés. Il formera à la céramique Lilette Duport,
(future Mme Valentin
de l’atelier vallaurien Les Archanges), qui a fait un stage pour se former en céramique dans le premier atelier au 3 Avenue de L'Abbaye à Saint-Marcellin. Leur fils
Yves
rejoint l’atelier familial en 1966 et contribue à l’épanouissement et la créativité de la production artisanale jusqu’à la fermeture définitive de l'atelier en 2005.
Pour diffuser sa production artisanale, Jean Austruy adhère à la chambre syndicale des céramistes (aujourd’hui la Fondation des Ateliers d’Arts) et expose au salon des Ateliers d’Art de Paris. Il était présent au salon d’automne de1953 auprès de Georges Jouve, Jacques Blin, Fernand Lacaf, Peter Orlando, Pol Chambost
…
A l’âge de 80 ans, Jean Austruy décide de prendre sa retraite pour retourner à sa passion de jeunesse : la sculpture du bestiaire (oiseaux, ours, panthères en bronze et en terre).
Il décède en novembre 2012, à l’âge de 102 ans en laissant une œuvre personnelle céramique de qualité.
Fin 2009, la ville de Saint Marcellin lui a consacré une exposition rétrospective. Son travail avait déjà été récompensé de la Médaille d’or de Prestige de l’artisanat français dans les années 60.
Une œuvre céramique en perpétuelle évolution.
Comme Suzanne Ramié (Madoura) ou encore Robert Picault, Jean Austruy fait partie de cette génération de céramiste de l’après-guerre qui a réinterprété la poterie traditionnelle populaire, participant ainsi
au renouveau des arts de la terre et du feu. Il a su adapter le style de ses créations pour résister à six décennies.
Dessinateur et sculpteur de formation, il redessine les vases et les cruches en modernisant les anses avec des volutes et des torsades.
Le rythme apporte de la fraicheur et une fantaisie nouvelle à l’objet du quotidien, qui affirme ainsi son double rôle utilitaire et décoratif. Les couleurs des années 40 sont unies avec des effets vernissés ou métalliques.
Si l’homme est indépendant et ne s’inquiète pas des modes, il surfera sur les mouvements rapportés des contrées plus lointaines.
En 1960, 14 pays africains sous l’administration française ont acquis leur indépendance. C’est à cette période que la céramique française s’africanise : les
masques
sont à l’honneur avec Roger Capron, Jacques Louis Sagan ou encore Accolay.
Ceux de Jean Austruy sont plus stylisés avec un visage si étiré que certains pourraient y voir ou entendre le Cri d’Edvard Munch.
Toujours dans les années 60, avec la médiatisation des sites préhistoriques et les rebondissements de la restauration des peintures de Lascaux, l’art rupestre inspire le monde artistique : la faune sauvage (mammouth, bouquetin, cheval, auroch, rhinocéros, ours …) reprend du poil de la bête et s’invite sur les coupes, les vases, les assiettes de Jean Austruy. C'est peut-être pour cela que les pièces sont parfois signées Yurtsau.
Dans les années 70, le grès scandinave a le vent en coupe. Tout le monde veut et fait du grès en Europe et même outre-Atlantique. Les couleurs de Jean Austruy deviennent alors plus chaudes, chatoyantes comme brulées au feu de bois.
Pour le service de la table, Jean Austruy a crée un style identitaire avec sa propre technique d’incision (sgraffito) et un émail genre Fat Lava. Ce style reconnaissable de tous signe une paternité.
En parallèle d’une production utilitaire, il a produit des pièces personnelles de belle qualité comme ce grand oiseau en faïence.
Signature Austruy et rarement Yurtsua.
Je remercie Jean-Jacques Austruy (fils ainé de Jean Austruy) pour la relecture et le partage des photographies. Rq : contrairement à la rumeur, il n'y a pas de lien de parenté entre la famille Austruy et la famille Valentin.
Texte & Photos © Christine Lavenu ( publiée le 10/08/2023, maj 16/01/2024)
Sources, pour voir et en savoir plus :
Contact avec Liliane Austruy juin 2017
Bestiaire céramique 1940-1990,
Catalogue 2023 Musée de la poterie méditerranéenne
Christine Lavenu, édition Louvre Victoire, 2019 'Jacques Blin, céramiste et porteur d'Histoires.'
Wattel Jean-Jacques et Bénédicte - Mission céramique Collection, Editions Louvre victoire, 2013