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Aster Cassel (1992-)
Céramiste dessinatrice de l'imaginaire à Giroussens.
Surréaliste et poétique, l'œuvre narrative de la jeune céramiste Astel Cassel
est un délicieux millefeuille anachronique de références mythologiques et de clins d’œil scientifiques et littéraires.
" Ne soyez pas si pressée de croire tout ce qu'on vous raconte. " Lewis Carroll.
Cette phrase pourrait faire écho à la symbolique de l’œuvre sculpturale et singulière d’Aster Cassel.
Aster au pays des métamorphoses
Née en 1992 à Dieppe, la cité de la Mer, Astel Cassel
passe une enfance joyeuse entre les plages du littoral et la forêt sauvage d’Arques. C’est dans cet environnement marin qu’elle cultive sa curiosité pour la biologie. Si le rationalisme des mathématiques l’ennuie quelque peu, elle trouve dans la littérature de Jules Verne
et de Lewis Caroll
des univers fantastiques qui nourrissent son imaginaire.
Mais à l'écriture, elle préfère dessiner depuis son jeune âge, et souvent
un Œil
… ! C’est tout naturellement qu’elle poursuit des études de communication d’art visuel (Besançon, 2013), complétées par un diplôme des métiers d’art céramique (DMA, 2015). Après deux années de résidence à Antibes, elle s’installe en 2017 à Lavaur (Tarn) avec son compagnon. Le couple ouvre en 2018 un atelier commun, puis fin 2020, il déménage pour Giroussens, commune dynamique autour des métiers d’art.
La jeune femme y pratique le tournage, modelage, coulage, l’estampage et le décor sur la porcelaine et le grès.
Le nom choisi pour son l’atelier ‘L’hybride’
est révélateur du projet artistique d’Astel qui, en conjuguant le dessin avec la céramique, donne parole à la terre : « Dans mon approche singulière de la porcelaine, le dessin et le volume s’enrichissent, s’équilibrent, pour donner corps à des sculptures narratives. »
Au début, elle peint le bestiaire des eaux profondes (pieuvre, hippocampe, coquillage…) sur des objets utilitaires (tasses, bols …).
Riche de décor monochrome bleu cobalt ou noir sur fond blanc, ses vases déformés portent l’empreinte ondulée des vagues.
Au registre des arts de la table, Aster métamorphose l’assiette en crabe violoniste doté de pattes et d’une menaçante pince : le corps du crustacé en trompe l’œil épouse la rondeur du plat.
Au fil du temps, l’univers animalier regorge d’audace et d’exubérance : avec l’Electrosquelette, le batracien au corps mécanisé ou les ours ‘mécanidés’, l'artiste interroge sur le devenir de l’automatisation et la robotique biotechnologique actuelle dans notre quotidien.
Avec les hybrides, comme Transgénique négulaire ou Pagoracée (mutant né de l’union du végétal et de la carapace du pangolin), elle se pose la question l’éthique dans la recherche génétique.
Aujourd’hui, Aster tend à s’éloigner du rapport à la machine pour revisiter le mythe de l’origine. Certains éléments récurrents ( gouvernail, gyroscope, carte marine, …) témoignent de son attachement à son passé en Bretagne et de son lien intime avec l’océan et le voyage marin.
Comme Alice (aux pays des merveilles) qui se lance à la poursuite du Lapin Blanc, elle explore l’Histoire du monde et des civilisations à la recherche du merveilleux. Et, c’est avec humour et tendresse qu’elle concocte de sympathiques créatures aux noms antiques (Panotii, Odélia …) en porcelaine blanche, maquillées de métaux précieux (or, platine ou bronze).
Ode aux chimères
«Je travaille sur la notion d’hybride dans un monde imaginaire, où voyagent des chimères mythologiques. »
Si les chimères se définissent comme un animal de l’âge du chaos, celles d’Aster sont sans filiation avec le purgatoire des montres. Même celles aux dents aiguisées et aux cornes embryonnaires respirent de bienveillance.
N’en doutez pas, le monde onirique d’Aster relève du domaine du rêve, où ses doigts de fée transfigurent la réalité en amulettes fantastiques, en gardiennes contre la folie du cauchemar humain, amenant un peu de poésie et d’humour dans notre réalité quotidienne, parfois trop rationnelle.
De l’autre côté du miroir : le troisième œil
Au fil du temps, Aster réalise des grandes sculptures fantaisistes et métaphoriques.
Entre imaginaire et réalité, elle explore les énigmes de la vie et des sciences. Sa mise en scène théâtrale mêle des récits décousus de fables, de mythes, d’évènements historiques et de découvertes scientifiques : l’évolution du monde en est chamboulé !
L’horloge du temps est au cœur de son œuvre. Dans sa cosmologie personnelle, où l’image est mise au rang de mots, elle entremêle le vivant et l’objet, le passé, le présent et le futur, insistant volontairement sur la dualité temporelle (le jour - la nuit, la vie - la mort, l’éveil - le rêve …).
Aster s’amuse des anachronismes en détournant des objets de leur contexte initial comme le pyrotex et le dinosaure google. En jouant sur le mélange de taille des objets, elle renforce l’idée d’un monde irréel parsemé d’énigmes et de bestiaire fantastique.
Un univers surréaliste
Aster réalise des bustes humains tatoués, qui agissent comme des totems bibliothécaires, gardiens du savoir et de l’imaginaire.
En se servant des éléments du réel passé et présent, l’artiste détourne la réalité pour créer un mystère, qui réside au-delà du rationnel : c’est une pensée libre de toute logique, une pensée débarrassée des contraintes de la raison. Ce travail artistique se positionne dans un courant proche de la pensée surréaliste, plus complice du travail de René Magritte
avec les objets que celui de Salvador Dali
avec le rêve. Par le graphisme et la sculpture, Aster Castel redonne à la terre son pouvoir de mémoire voire son pouvoir philosophique.
L’œuvre poétique est une ode à l’imagination pour dépasser la réalité du quotidien et la raison qui a conduit aux guerres. En remettant en cause les hiérarchies, les époques, les sciences et les arts, elle invente un nouveau rapport au monde.
A l’heure des bouleversements géo-politiques et climatiques qui nourrissent l’avenir de menaces et d’incertitudes, l’œuvre figurative et narrative d’Aster Cassel proposerait-t-elle par le retour à l’imaginaire de s’interroger non plus sur la place de l’homme dans l’univers (comme le faisaient les surréalistes du XXe siècle) mais de s’interroger sur sa capacité à se reconnecter à son histoire et à son environnement pour reprendre le contrôle et construire le futur ?
Une œuvre sculpturale en pleine effervescence qui annonce de belles surprises à venir !
« Si tu connaissais le Temps aussi bien que moi, dit le Chapelier, tu ne parlerais pas de le perdre. Le Temps est un être vivant ». Lewis Carroll
Je remercie Aster Cassel pour son sympathique accueil, pour nos échanges et le partage des photographies.
Texte © Christine Lavenu 23/05/2025, Photographies © Aster Cassel
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Sources, pour voir et en savoir plus :
Entretien avec Aster Cassel, Les Tupiniers du Vieux Lyon, 13 septembre 2024
Revue de la céramique et du verre, n°251, 246, 238