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Mireille Moser (1955-)


Céramiste suisse installée en Drôme provençale à Rochebaudin. 


La voix de la céramique.
Originaire de Suisse, Mireille Moser entre aux Beaux-Arts de Genève dès l’âge de 16 ans. Déçue par un enseignement trop théorique et conceptuel, elle intègre à l’école des Arts Décoratifs de Genève, la section céramique enseignée par Philippe Lambercy, Aline Favre et Claude Presset
Des 4 années d’apprentissage (1971-1976), elle retiendra l’esprit d’une sculpture céramique où se déploie la couleur de l’émail.
En 1977, elle ouvre son atelier céramique à Carouge (Suisse). En parallèle de cette activité, elle s’investit dans la promotion et la défense de la céramique suisse. Après un voyage en Asie en 1985, avec Jean-François Perena elle décide de s’installer en France pour s’isoler et trouver son propre chemin artistique. En 1990, le couple se fixe définitivement dans un petit village de la Drôme, à Rochebaudin où chacun crée dans son propre atelier : lui imagine des parures de bijoux, elle modèle des 'rêves de lumière' en céramique.   


Un lieu pour créer : l’atelier au pied des contreforts rocheux 
' C’est la lumière des collines qui nous a amenés à s’installer à Rochebaudin ’. 

Bercées de forêts, les ruines de châteaux médiévaux dominent le minuscule village de pierres. Blottie à flanc de falaises et de champs de blé, la maison de Mireille s’ouvre sur un jardin botanique haut en couleur, parsemé de ses créations céramiques. 

C’est dans ce lieu enchanteur, au pied des contreforts rocheux, à l'ombre de Cézanne, que se niche son atelier céramique. 
Mireille moser ceramiste

En Grand et en Volume
Mireille est fidèle à la terre rouge. Découpé, le bloc d’argile est pressé mécaniquement, les plaques à façonner sont prêtes. Commence alors le modelage à la plaque avec juste quatre outils rudimentaires : le couteau, la fourchette, le peigne et un morceau de bois : ‘Je travaille à l’ancienne (…). Pas besoin de plus de matériel (…). C’est simple : je découpe dans la plaque, puis j’assemble les morceaux en les liant avec la barbotine’.
Mais, si sa technique d’assemblage parait aussi simple, c’est qu’elle résulte de 40 années de pratique pour apprivoiser les contraintes de la terre soumise aux forces de ses mains, et pour dompter les caprices de la cuisson à 1280° ! Et le temps a son importance, car elle aime travailler en ‘Grand et en Volume’ : ‘Ces volumes je les veux grands, trapus, terriblement ancrés dans leurs pesanteurs. ‘
Dans l’atelier, Mireille est silencieuse, concentrée, car si elle sait dessiner et connait bien la construction graphique, elle se refuse à concevoir sur papier la finalité d’une pièce. Il faut ressentir le volume pour visualiser le mouvement : ‘ Dans ma tête, je vois le volume fini, je cherche à y arriver. Mais, parfois j’arrive à autre chose….C’est une découverte, (…) un cheminement.’ 
Dans la remise, règne une musique gestuelle : les griffes de la fourchette raclant la terre font un écho aux grillons du jardin. Au rythme du bâton de bois frappant l’argile, la pièce prend forme et grandit. 

De la couleur et de la lumière
Mireille Moser
Vient alors la couleur ! 
Mireille prépare ses propres mélanges d’oxydes. Au fil du temps, elle a élaboré un mixage de porcelaine colorée, qu’elle dépose en surface, écrase ou incruste sur le grès. 
Habiller pour sublimer le volume. Telle une farandole, dansent les cobalts, valsent les titanes et les chromes, sautillent les cuivres, gigotent le nickel, le fer et le vanadium, sous le regard du feu qui révèlera leur éclat sauvage minéral et végétal. 
Mireille Moser
Que le décor soit calligraphique, impressionniste ou géométrique, la lumière est toujours omni-présente.
Pour les volumes récents et plus complexes (référence au travail sur la Vague), elle utilise de la poussière de basalte d’Ardèche pour donner un noir profond : ‘J’aime bien le noir parce qu’il prend la lumière. Comme j’aime mettre les pièces à l’extérieur (dans le jardin), quand il y a beaucoup de soleil, cela passe du gris aux nuances métalliques. Si le ciel est nuageux, on a des noirs mats profonds, (…) poussiéreux, toniques, (…).‘

Tension et Equilibre 
Avec le temps, le graphisme est moins articulé, plus uni voire tellurique et les pièces encore plus architecturales. Mireille utilise le creux du vide intérieur pour construire l’extérieur. Elle donne du rythme en jouant sur la rencontre des plans pour souligner les arêtes : ‘La ligne vient des volumes, c’est une logique de la forme’. Les mots d’ordre sont Tension et Equilibre
Du cube à l’ellipse, la géométrie dissymétrique se contorsionne dans l’esprit et les  mains de la céramiste.   

En route, au grès du verre et du vent.
Plus récemment, toujours en quête de découverte, l’artiste travaille avec la galerie parisienne Meuble et Lumières pour la réalisation de mural constitué de dizaines éléments en grès et porcelaine. Elle réalise aussi plusieurs projets de lumières alliant le grès et le verre.  

Depuis 1987, son travail personnel est exposé par quelques galeries en France, en Suisse, au Pays Bas et à Londres. Cependant, le travail de Mireille Moser reste encore peu connu du public, car elle aime rester à travailler dans son atelier et recevoir ses fidèles clients en visite dans la région. 

Une œuvre intemporelle en perpétuel mouvement
Au fil des années, Mireille Moser a su allier avec subtilité le volume, la polychromie d’émaux mats ou brillants, et de la texture lisse, rugueuse et scarifié. 
Ici rien ne s’oppose, tout se complète comme le mariage de la porcelaine sur le grès. Tout est harmonie, en écho avec la Nature ensorceleuse qui entoure son atelier céramique.

A Rochebaudin, son travail est à l’image du caractère de la Drôme provençale : l’œuvre est vivante, chantante, vibrante, toujours en mouvement. Les pièces disséminées dans le jardin évoquent le souffle du mistral et la danse des feuillus, le coucher du soleil sur la falaise calcaire, la chaleur de l’été plombant les couleurs printanières, le creux de la gorge abritant le ventre bleu du Rimandoule, la sérénité du cours d’eau fleurtant avec les nuages de l’automne … 
Mireille moser ceramiste
Dans le jardin secret de Mireille, la lumière est source de créativité et la terre dans ses mains nourricière de l’esprit. Et la poésie n’est jamais bien loin.  

Une œuvre en perpétuelle effervescence, qui réserve de belles surprises à venir !  

Pause gastronomique : le goût du feu.
En parallèle des pièces sculpturales, Mireille Moser aime l’utilitaire de l’art de la table et les plaisirs de la table !  ‘C'est la gourmandise et le plaisir de cuisiner au jardin qui m'ont incitée à imaginer ces fourneaux de terre.’ 
Entièrement en céramique, malgré un poids de 40 kg, le four est facilement transportable car il est composé de plusieurs pièces qui s’assemblent, s’emboitent comme un puzzle en 3D.
Le foyer fermé est surmonté d’une grille en terre pour la cuisson, puis d’une cloche qui stocke la chaleur. 
Le tirage est réalisé grâce au bouchon de la cloche, à une micro porte sur l’arrière du four, et la porte amovible et pivotante. La cuisson au feu de bois amène une chaleur de 250 à 400°C, ce qui permet différents types de coctions comme les grillages, les enfumages, les cuissons douces, à l’étouffée et les mijotées en cassolette. 
Un pur délice pour les papilles gustatives !
Mireille moser four à bois

Nous remercions Madame Mireille Moser pour son accueil chaleureux, pour le partage des photographies.

Texte & Photos © Christine Lavenu ( publiés 10/08/2023)

Sources : 
Entretien avec Mireille Moser dans son atelier le 28 juillet 2023
La revue de la céramique et du verre, numéros 136, 165, 176, 203.
Mireille Moser, 1971 - 2014 Parcours céramique, Tome 1 
Mireille Moser, 2015 - 2019 Parcours en céramique, Tome 2
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