leveneur
Margareth Leveneur (1971-)
Céramiste sculpteure à Elbeuf-sur-Seine, près de Rouen, France.
De la pièce utilitaire à la sculpture, la céramique de Margareth Leveneur est inspirée par l'anatomie et l'allégorie du temps qui passe.
Son œuvre symbolique traite avec enchantement le thème intemporel de la Vanité dans l'art.
Sa vision moderne s’affranchit de la relation au catholicisme pour se concentrer sur la question de la métamorphose de la vie face au temps : l’être humain est mortel et il est voué à disparaitre. Face à l’inévitable, tout n’est que leurre et futilité. La beauté si délicate est aussi éphémère.
'Poussière, tu finiras poussière.’
Seule restera la terre !
Oui, la terre !
Et c'est ce matériau qu’a choisi Margareth pour s'exprimer, parce qu'il permet de jouer sur les volumes en 3 D avec ses mains et son esprit.
Elle avait pourtant étudié le dessin et l'ébénisterie. Mais, au bois, elle préfère la terre.
Depuis plus de vingt-cinq ans, discrète et un peu solitaire dans sa maison-atelier, elle travaille la faïence et des émaux. Elle utilise les techniques de modelage, de moulage, d'estampage.
Margareth sculpte des objets du quotidien avec un réalisme empruntant à l’anatomie humaine ou végétale.
Loin d’un quelconque aspect morbide, ses bols 'bouche à bouche' et 'russes', ses coupes, ses vases anthropomorphiques, ses 'cages cardiaques' ont un sens et invitent chacun à porter un regard sur la condition humaine au XXIe siècle.
La composition symbolique de ses objets joue bien plus que le rôle de memento mori (‘souviens-toi que tu vas mourir’).
Elle aborde la question de la représentation et du paraitre dans notre époque contemporaine trop obsédée par la mode d’une jeunesse éternelle, mode sans frontières médiatisée de crèmes de jouvence et de chirurgies esthétiques.
Mais le beau illusoire est sans cesse rattrapé par le temps déposant ses empreintes sur les visages et les corps. Et l'outrage des années reste toujours visible.
Alors que reste-il de la beauté ? Une image Photoshop ? Une illusion ?
Les miroirs de l'artiste sont le lieu où l'âme se relève.
Etrange ballet que celui des miroirs modelés de Margareth, qui s'amuse avec les contrastes de matière. Email mat et brillant, au centre les engobes sont cirés et polis, et sur l'extérieur le graphisme incisé révèle des rides craquelées, striées, zébrées ou encore cloquées.
Le miroir, cet accessoire du 'plaisir' renvoie le reflet de soi. De petit diamètre et décentrée, la glace dévoile un fragment de ce face à face. L’objet incite à détourner le regard pour chercher au second plan une autre image cachée.
Margareth aime mettre en abymes ses miroirs luxueux dénonçant ainsi l’illusion par l’illusion et la vanité par la vanité.
Avec les années, la patience et le travail lui ont permis telle une apprentie sorcière autodidacte d’appréhender et de maitriser l’alchimie des émaux et la cuisson électrique.
L’artiste a le don de décloisonner et de tisser des liens entre les Arts et les Sciences pour la recherche de formes et de structures. Unis, le dessin, la sculpture, la céramique, le tissage, l’anatomie et la photographie flirtent souvent avec la poésie de la pensée et du langage.
Avec les assemblages en céramique et en fil de coton teinté, Margareth rend hommage à la mémoire de la main des potiers et des tisserands.
Tout renvoie au geste originel des traditions anciennes et aux mystères de la vie bercée de rituels funéraires. Le mouvement en spirale est souvent utilisé.
Les spirales tissées évoquent-elles l'hélice de l'ADN, pilier de l'architecture de la vie ?
Margareth connait bien l'architecture du vivant, car avant de toucher à la céramique, elle a dessiné pour un groupe archéologique. Son intérêt pour la mémoire du vivant, vestige de l'humain retourné à la terre, prend forme avec les vases 'Colonnes vertébrales' et les sculptures 'Rachis', 'Epine', 'Crâne'.
Le renouveau de la Vanité
Margareth Leveneur met en scène ses céramiques.
Ce sont de véritables tableaux, qui
témoignent de son attachement au
théâtre, au jeu des acteurs et à l'histoire. C'est une des autres facettes de la céramiste qui a été réalisatrice de décors de
théâtre.
Ses photographies font revivre le symbolisme des natures mortes hollandaises du XVIIe siècle.
Les compositions imagées mettent en jeu les éléments de la Vanité comme le crâne, la bougie consumée, les bulles de savon, les fleurs fanées, les fruits entamés, le miroir … . Ces accessoires symbolisent l’écoulement du temps, la mort et la futilité des choses de la vie.
Le fond d'image est accentué de noir, cette non-couleur liée à l’absence et au vide.
Seule la nature végétale ou fruitière encore fraiche évoque la vie par l'activation des sens olfactif et gustatif.
Par le biais de la photographie, l'artiste témoigne de son attachement au souffle léger de la vie et à la fragilité de la beauté.
Les pièces anthropomorphes sculptées par Margareth ne remettent plus l’homme en son centre, au contraire elles dénoncent les dangers de l’endoctrinement des sociétés médiatisées pour le beau et le bien-être qui renforcent le narcissisme de l'homme.
Plus que de simples objets utilitaires ou décoratifs, la symbolique de son œuvre agit comme un révélateur.
Symbole de la précarité de l’existence, ses céramiques invitent les passants à faire une pause-café ou une pause-déjeuner pour gouter aux fruits frais de la vie.
Avec humour et poésie, les objets de Margareth forcent la sagesse, l'humilité et le désir de retrouver le reflet du ‘vrai-soi’ dans le miroir.
Depuis 2007, Margareth Leveneur expose son travail dans différentes galeries dont celle de Guillaume Fouquet, qui présente régulièrement ses pièces.
Il est possible de visiter l'atelier-boutique de l'artiste mais uniquement sur rendez-vous.
Nous remercions Madame Margareth Leveneur pour le partage de ses photographies.
Texte © Christine Lavenu (publié 15 mai 2021)
Sources :
Entretien avec Margareth Leveneur avril 2021