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Les boutons en céramique de l'après-guerre. 

boutons vintage

Les boutons en France


Apparus en Chine au néolithique, vers -500 av. J.-C., c’est de la période mérovingienne, entre le  Ve au VIIIe siècle que datent les plus anciens boutons en métal et en verre retrouvés en France.
Les boutons en céramique d’origine française sont souvent considérés comme les plus beaux par les collectionneurs sur les deux périodes d'âges d’or : le XVIIIe siècle pour la qualité et le styles des réalisations et le XXe siècle.

Le bouton fantaisie des années 30 pour la Haute Couture 
Pendant la seconde guerre mondiale, le bouton en céramique a connu son heure de gloire motivée par la pénurie des matières premières et l’engouement pour la Haute Couture, qui est une des rares "denrées"  disponible à la vente sans tickets de rationnement. De nombreuses familles potières y trouvèrent une source concrète de revenus.

Dès les années 30, la pionnière Elsa Schiaparelli (1890-1973) met le bouton fantaisie à la mode et ouvre ainsi une porte à la création de boutons céramiques. Aux périodes de l’occupation et de l’immédiat après-guerre, la Haute Couture en plein boum est soucieuse de préserver cette vie élégante qui avait fait la réputation de Paris.
La pénurie des matériaux et l’absence des ouvriers entrainent la désorganisation des principales maisons de paruriers et des fournisseurs attitrés des grands couturiers très demandeurs en boutons fantaisie de qualité.

Si certains, avec beaucoup d’imagination utilisent des matériaux de récupération tels que le câble électrique, la mie de pain, les débris d’oursins, de coquillages, de fleurs séchées, de paille, de petites cailloux, de maïs ou de pâtes ect…, le monde potier bien achalandé en terre est là pour répondre à la demande. 
Elsa Schiaparelli passe commande avant-guerre à des artistes comme Alberto Giacometti (1901-1966), François Hugo ou Jean Clément, puis se tourne vers des céramistes tels que les 4 potiers capable de réaliser des escaliers ou cheminées monumentales comme d’exquis boutons en paille et en céramique rose, ou encore Lucien Neuquelman (1908-1988) qui produit pour la styliste des boutons en forme de skieurs ou de personnages de cirque.
Lucie Rie
Pendant l’entre deux guerres, le grand couturier Paul Poiret (1879-1944) commande des boutons au peintre Maurice de Vlaminck (1876-1958), qui seront réalisés dans l’atelier du céramiste parisien André Metthey (1871-1920). Il fera aussi appel fait appel au sculpteur Alexandre Noll (1890-1970).

Le bouton durant la seconde guerre mondiale
En Angleterre, deux réfugiés, l’autrichienne Lucie Rie (1902-1995) assistée par l’allemand Hans Cooper (1920-1981) produisent pour la maison Worth des boutons en céramique dans l’esprit des Wienen Werskatte jusqu’en 1950. Les trous percés à l’aiguille sont poncés pour éviter une usure précoce du fil.

A partir de 1939, la créatrice de bijoux et désigner de miroirs sorcières en 'talosel', Line Vautrin (1913-1997) créée de très nombreux et ravissants boutons que lui façonne entre autre Mithé Espelt (1923-2020).

Du nord au Sud, le bouton céramique ...   
En France, de nombreux potiers réalisent des boutons en ces temps difficiles : le groupe Pierre Szekely (1923-2001) André Borderie (1923-1998), Robert Bonfils (1886-1971), Pol Chambost (1906-1983)…
Alice Colonieux (1924-2010) produit à Roaix dans le Vaucluse, non seulement des boutons mais aussi des broches, pendentifs ou boucles de ceintures.
Guidette Carbonell (1910-2088) accepte une commande du couturier Jacques Heim ; elle dira suite à cette expérience : ‘ça m’avait amusé un moment mais ce n’est mon travail habituel’.
Il ne faut pas oublier dans cette énumération des spécialistes du bouton céramique connus des amateurs comme Hélène Méchin ou Monique Augier.
pol chambost
Le Sud-Est n’est pas en reste et à l’instar de leurs ainés comme Clément Massier (1845-1917) qui produisait des boutons à l’émail irisé vers 1900, on trouve régulièrement des boutons marqués Vallauris sans précision du potier exécutant. Quelques rares pendentifs sont signés d’Alexandre Kostanda (1917-2007). L'orfèvre François Hugo (1899-1982), réfugié à Cannes en zone libre travaille à Golf Juan, certainement dans l’atelier Elektna ou officie le peintre, verrier et céramiste Cecil Mickaélis (1913-1997).
Guidette Carbonell,  photo extraite de l'ouvrage Céramiques et Tapisseries
Le cas des potiers d'Accolay est particulier comme à leur habitude. La légende dit qu'en 1945, tous juste sortis de leur formation par Alexandre Kostanda à Saint Laurent Les Macons, et à peine installés à Accolay, ils obtiennent des commandes de boutons grâce à leur relation 'zazous' parisiennes. Ne possédant pas de four, ils montent en auto-stop à Paris, les boutons dans le sac à dos, cuire chez les copains. Certaines pièces nécessitent plusieurs cuissons ... Quel enthousiasme ! En 1947, une commande mémorable leur est passée par Christian Dior pour sa collection 'New Look".
Cette liste est non exhaustive, car bien d'autres potiers ont été approchés par le monde de la Haute Couture, et ont répondu favorablement, heureux de travailler, de pouvoir nourrir leur famille, en des temps où les commandes étaient rares et le tourisme inexistant.

Texte © Arnaud Serpollet 19/12/2022

Sources : 
Atelier Pol Chambost
Antoine Candau - Mithé Espelt - Editions Odysée, 2020.
Loïc Allio, Boutons, Editions Seuil, 2001
Tony Birks, Lucie Rie, Edition de la Revue de la Céramique et du Verre, 2008
Fréderic Bodet & Karine Laquemant, Guidette Carbonell, Céramiques et Tapisseries, Norma Edition, 2007
Site de l'artiste : Mithé Espelt 
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